Recours direct : le refus de régler les frais d'expertise condamné !
Les compagnies et mutuelles d’assurances ont toujours tenté de se débarrasser de la procédure de recours direct dans le cas de sinistres matériels. Malheureusement pour elles, ce ne sont pas les textes de loi qui sont en leur faveur. Elles doivent donc user de petites astuces afin de décourager les automobilistes victimes, et les experts indépendants qui les accompagnent, de porter de tels recours contre elles.
Derniers exemples en date, Allianz et la MAAF se sont respectivement fait condamner en juin et juillet derniers pour avoir tenté de décourager les auteurs des procédures en acceptant d’indemniser les frais de remise en état des véhicules avant de se faire assigner en justice… mais pas les frais d’expertise ! Sans doute se disaient-elles que, pour quelques centaines d’euros en jeu, les juridictions saisies par les victimes pour obtenir l’entière réparation du préjudice qu’elles ont subi allaient laisser couler et ne pas donner suite aux dossiers. Heureusement, dans deux affaires, la justice n’a pas laissé passer cela.
Lille et Grasse, deux victoires !
► A Lille, c’est la Juridiction de proximité qui s’est chargée, le 30 juin dernier, de juger le litige entre le propriétaire d’une Citroën C3 et Allianz, assureur de l’automobiliste qui l’a percuté en juillet 2016 et « à qui incombait entièrement […] la responsabilité de cet accident », comme le rappelle le jugement. Choisissant la procédure de recours direct en tant qu’assuré non responsable et de ne rien déclarer à son propre assureur, comme le lui autorise l’article L124-3 du Code des assurances, l’automobiliste a donc confié l’expertise de son véhicule puis son dossier de recours direct au cabinet Pecqueur Expertise, situé à Sailly-sur-la-Lys (62).
Habitué du recours direct et réputé pour n’avoir d’agrément d’aucun assureur en tant que membre du Syndicat des experts en automobile indépendants (SEAI), celui-ci a obtenu pour la victime, après deux mois de silence d’Allianz, l’indemnisation directe par l’assureur des frais de remise en état de son véhicule et des frais d’immobilisation, pour la somme de 1 637 euros… Auxquels manquaient pourtant les frais d’expertise –494,30 euros jugés « excessifs » par Allianz contre les « 150 euros TTC par dossier […] habituellement perçus par les experts »– qui font pourtant partie du préjudice subi par la victime !
Le propriétaire de la C3 a donc saisi la justice pour obtenir le règlement de ladite somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de l’envoi du premier courrier en recommandé. L’assuré victime a également réclamé le paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de la résistance abusive d’Allianz, outre les 840 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et le paiement des entiers dépens de la procédure. Ce à quoi la Juridiction de proximité a donné suite, en partie. En effet, Allianz a été condamnée à régler les 494,30 euros de frais d’expertise avec intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure, 1 euro symbolique au titre de résistance abusive – la victime n’ayant pas fourni les preuves au soutien de sa demande de dommages et intérêts– 540 euros au titre de l’article 700 et, bien sûr, les entiers dépens.
► La seconde condamnation d’assureur pour refus d’indemniser les frais d’expertise suite à recours direct a été prononcée par le Tribunal d’instance (TI) de Grasse, le 11 juillet dernier. Et c’est Me. Nathalie Amill, avocat au barreau de Draguignan, bien connue pour son investissement dans le développement de la procédure de recours direct, qui s’est chargée de porter le dossier du propriétaire d’une Peugeot 307 SW victime d’un choc arrière le 23 juillet 2015 à Cabris (04), causé par un véhicule assuré par la MAAF. Après expertise du véhicule de la part du cabinet Auto Alpes-Maritimes Expertise (AAME), dirigé par Karim Megrous, président du SEAI, ce dernier avait fait parvenir directement à la MAAF, le 3 août suivant, une demande d’indemnisation d’un montant de 3110,95 euros TTC pour les frais de remise en état (2 655,66 euros selon le rapport d’expert), d’immobilisation et d’expertise.
Mais, niant le droit de la victime à une action directe à son encontre, pourtant garanti par l’article L124-3 du Code des assurances, la MAAF s’était rapprochée quelques jours plus tard de l’assureur de la 307 SW pour l’indemniser selon les modalités de la Convention IRSA… et ce, de façon illégale ! La MAAF avait ainsi versé seulement 2 655,65 euros à la victime au titre des frais de remise en état de son véhicule et 27 euros de frais d’immobilisation… mais pas un centime au titre des frais d’expertise !
Le propriétaire du véhicule accidenté, par acte d’huissier le 12 avril 2016, a donc assigné la MAAF devant le TI de Grasse. Ceci afin d’obtenir « sa condamnation à lui payer sur le fondement des articles 1382 du Code civil et L124-3 du Code des assurances une somme de 9 euros au titre d’une demi-journée de frais d’immobilisation restant due, 419,30 euros de frais d’expertise du cabinet AAME, 4 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive de l’assureur, une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance ». Tentant en vain de convaincre le TI que la victime « ne rapport[ait] pas la preuve de la réalité du quantum des sommes » réclamées, la MAAF n’a donc pas obtenu gain de cause.
Elle a donc été condamnée à payer 428,30 euros au titre du sinistre, somme correspondante aux frais d’expertises augmentés de 9 euros de frais d’immobilisation restant dus, à 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, à 500 euros sur le fondement de l’article 700 et aux dépens de l’instance…
De quoi remettre l’église au centre du village et rappeler aux compagnies et mutuelles d’assurances visés par une procédure de recours direct que, dans une telle situation, indemniser l’intégralité du préjudice subi ne peut se faire en oubliant d’y inclure les frais d’expertise. Même volontairement.